Histoire du Karaoké |
Origine du Karaoké |
Le karaoké existe donc d'un point de vue cosmique et local : "cosmique" de par le matériel commun (hardware) mais local quant aux différences en matière de chansons, en matière d'attitudes. Par exemple, si au Japon le karaoké est perçu comme porteur de multiples significations (une étiquette, un emblème culturel, une aide ne matière de santé, un rite de purification ou même une activité aphrodisiaque), aux USA, c'est avant tout une chose : la chance de "devenir une star".
Le karaoké est même perçu par certains comme une panacée : il semblerait que le karaoké soit bon pour stimuler le cerveau, les poumons, les intestins et même les organes génitaux. Il semblerait cependant que de courtes séances quotidiennes soient meilleures que de longues mais occasionnelles périodes. Le karaoké est populaire au Japon également parce que les japonais aiment à s'amuser. Depuis des temps très anciens, se réunir était un motif de chanter ensemble (malgré l'avis contraire des Gallois).
Ils ont toujours apprécié le fait que quelqu'un se mette à chanter, l'encourageant en frappant dans leurs mains. pour la même raison, ils n'ont jamais rencontré aucun problème face au fait de chanter devant un public...même en chantant faux, ce qui déclenche généralement une hilarité qui ne fait qu'amplifier la bonne ambiance dans un groupe. De la même manière, ils apprécient le fait d'entendre quelqu'un d'autre chanter. Chantersur scène, c'est en quelque sorte se comporter comme un chanteur professionnel.
Le karaoké est ainsi devenu un loisir pour les employés stressés par un milieu de travail fort rigide...l'occasion de se défouler ! Un français vivant au Japon nous confie son opinion : "On y va un peu comme au cinéma, c'est d'ailleurs sensiblement moins cher si on est assez nombreux, et au moins aussi marrant que de voir 'Armaggeddon' ou 'Godzilla' dans le silence de mort caractéristique des salles japonaises. Une précision s'impose : non, ce n'est pas dans une grande salle avec des gens autour de petites tables rondes et qui applaudissent au compte-gouttes. Ce sont de petites pièces équipées en général d'une grosse télé, d'une paire de micros, et d'un barzingue qui a dans le ventre plus de chansons que vous n'en avez jamais entendu. Y'aura peut être pas le dernier Cabrel, mais si il y a pas mal de vieux tubes, il y a aussi "My heart will go on" ... de quoi épater la foule. Un conseil : ne tentez pas une chanson dont vous ne connaissez pas au moins un couplet, sinon c'est quasiment le suicide assuré (si vous ne connaissez que "Nothing really matters" dans Bohemian Rhapsody, abandonnez tout de suite... ). C'est, à mon sens, une bonne façon de faire des progrès en passant du bon temps : écouter des japonais(es) chanter leurs tubes préférés. Beaucoup de chansons balancent du "kimi dake ni" ou "suki na hito" et autres "koibito", il y a beaucoup de kanjis simples et/ou répétés, alors en duo avec un natif on peut très bien s'en sortir même si on comprend pas forcément ce qu'on chante et ça fait bien marrer les japonais quand on chante avec eux. On peut en rapporter de très bons souvenirs ...
Au premier coup d'oeil, la popularité du karaoké au Japon est évidente : des grands néons lumineux aux petites affichettes dans l'univers urbain. Le soir, la télévision offre souvent des shows centrés sur le karaoké. Et le karaoké a bien entendu gagné d'autres pays: aux USA, une enquête sur les karaokés en 1998 a vu répondre 1.500 bars situés dans 50 états américains.
A la TV, notons par exemple le fait qu'Ally McBeal s'adonne à ce passe-temps au moins dans deux épisodes. D'autres séries anglophones ou téléfilms comprennent également des scènes de karaoké : "LA doctors", "Any day now", "Martial law"...Il existe également une émission quotidienne de MTV (USA) qui s'appelle "So what?karaoke". Dans le cinéma anglophone, nombreuses sont les scènes où les protagonistes se retrouvent dans un karaoké ou poussent eux-mêmes la chansonnette. Citons à titre d'exemples : "Karaoke fever" (réalisé par Arthur Borman et Steve Danielson)(histoire de fervents qui participent à des compétitions dekaraoké à Las Vegas), "The Bridget Jones diary", "Gangsters, sex & karaoke" (réalisé en 2000 par D.Anciano et R.Burdis), "The astronaut wife" (avec Johnny Depp), "I still know what you did last summer"(avec Brandy et Jennifer Love Hewitt), "The cable guy" (avec Jim Carey dans une version de "Somebody To Love" de Queen) ainsi que, par exemple, "Duets" (avec Gwyneth Paltrow et Forrest Whitaker). A également été diffusé sur la BBC en 2003 un épisode de la série Canterbury Tales intitulé "The Miller's Tale" qui avait pour cadre un bed and breakfast organisant du karaoké.
Pour l'Amérique du Nord, signalons par ailleurs qu'une nouvelle émission TV portant sur le karaoké démarre en automne 2002...au Québec : "TQS lance une émission karaoké animée par Chantal Lacroix(...)TQS va permettre aux chanteurs amateurs de se produire à la télévision lors d'une émission de karaoké proposée l'automne prochain.L'émission Le Grand Défi Karaoké Le Lait, qui sera produite par Guy Latraverse, sera animée par Chantal Lacroix. Une soixantaine de candidats devraient participer aux auditions préliminaires qui se tiendront au cours des prochaines semaines dans huit villes du Québec. Trente-six d'entre seront retenus pour les enregistrements de l'émission, qui auront lieu au Spectrum de Montréal dès le mois d'août". Le karaoké existe évidemment dans d'autres pays et les témoignages sont nombreux. Par exemple, Anna Jonckman écrit sur Internet à propos de l'Australie:"Le karaoke bar était très agréable. il se composait en réalité de 10 petites pièces de 16m2, avec une télévision et deux microphones. Nous avions donc notre propre petite pièce et nous pouvions choisir nous-mêmes la musique que nous souhaitions. Ce qui était très amusant, c'est que si l'on n'appuyait pas suffisamment rapidement pour choisir une chanson, c'est une chanson en japonais qui apparaissait à l'écran". Suivant les pays, le karaoké possède une trajectoire un peu différente : en Grande-Bretagne, le karaoké est partiellement lié à la classe des travailleurs, le karaoké s'étant tout d'abord développé dans le nord industriel de l'Angleterre, avec les chansons interprétées dans les pubs comme précurseurs (le mot "karaoké" est passé officiellement dans la langue anglaise en 1989). En Grande Bretagne, cela varie d'une région à l'autre et d'une ville à l'autre. Par exemple, il existe plus de karaokés à Glasgow qu'à Edimbourg. Le karaoké reste vivace dans certaines zones plus industrielles et le karaoké s'est répandu également à domicile46.Le karaoké reste ainsi fort pratiqué dans le nord de l'Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles où les habitudes de chanter ensemble47 possèdent les racines les plus solides.
En Italie, le karaoké a été perçu comme "réactionnaire", probablement en liaison avec le modèle de TV prôné par Berlusconi et popularisé par Rosario Fiorello dès le 28 septembre 1992 dans un show TV intitulé "karaoke". Un autre élément est apparu rapidement : en Italie les amateurs de karaoké interprétaient surtout des chansons en Italien (plus ou moins 80%) et peu de chansons en anglais...le karaoké s'est donc essoufflé car les productions italiennes des années 90 n'ont pu être à la hauteur de celles héritées des années 60, 70 et 80 (même si de remarquables exceptions comme Zucchero continuent à traverser les dernières décennies)
En Chine, après la "grande période révolutionnaire", il n'existait qu'un endroit pour s'adonner au karaoké, le Dongfang Hotel à Guangzhou. Dès 1994, il existait des centaines de cabarets, au moins 200.000 karaokés bars et 60.000 karaoke box en Chine, ce qui eut par exemple (avec l'apparition des discos et des cassettes pirates) un impact négatif sur l'industrie cinématographique chinoise.
En France et en Belgique, le karaoké s'est également développé. Le journal Le Soir synthétise cette "innovation culturelle" de la manière suivante : "Mais un karaoké n'est pas l'autre. Si le principe et les chansons sont identiques partout, la philosophie et l'ambiance qui les entourent sont à chaque fois uniques. Opportunité commerciale pour les uns ou véritable besoin de communication culturelle pour d'autres, le karaoké attire vers lui une foule d'originaux et de passionnés, qui s'offrent le temps d'une chanson la vie qu'ils n'ont pas et qu'ils n'auront jamais". En France, une émission présentée par Daniela Lumbroso ("la machine à chanter") ébauchait les bases du karaoké à la télévision. Si le succès du karaoké a été important au début des années 90, il a cependant connu un frein après quelques années. Pioneer a lui-même lancé des disques lasers ainsi qu'une firme française. Ils s'étaient à l'époque rapprochés de la SACEM. La SACEM avait plus ou moins fermé les yeux par rapport à l'autorisation à obtenir pour mettre un clip sur les chansons...C'était tellement long et fastidieux pour obtenir les accords (deux ou trois ans). Un jour, un compositeur aurait déposé plainte contre la SACEM parce qu'on ne lui avait pas demandé son accord. La SACEM a fait le coup du parapluie. Des perquisitions ont eu lieu dans les firmes qui produisaient des supports karaoké et du matériel a été saisi. Du jour au lendemain, la production delasers discs s'est arrêtée. PIONEER s'est retiré du marché par exemple. C'est la raison pour laquelle le karaoké a plongé au milieu des années 90. La production de chansons sur support karaoké a été arrêtée ! Beaucoup de karaokés dans les petites villes ont ainsi périclité, ce qui ne fut pas le cas dans les grandes villes. Depuis l'apparition du DVD et du CDV, la production en langue française a repris, mais très lentement (à cause des problèmes de délais liés à l'obtention des autorisations vis-à-vis des auteurs et compositeurs).
En Belgique, comme dans d'autres pays, le karaoké a été précédé par des réalisations mettant à l'avant-plan la prestation d'interprètes et d'auteurscompositeurs. Citons les concours de chants, les cabarets, les clubs et les piano-bars comme c'était le cas au Côté Boulevard (Charleroi) et à La Boule qui Lume (Charleroi) avec notamment Armand comme musicien accompagnateur. Un exemple de piano-bar actuel : "La Notte" (Liège). Cet établissement (qui n'est pas - ou pas encore- un karaoké) possède un
catalogue en MIDI et KAR. Plus de 3.000 titres en anglais et plus de 4.000 titres en français. Des chansons hyper rares de BRASSENS, AZNAVOUR, BOULAY, CABREL, CESAR ET LES ROMAINS, TARKAN ("SIMARIK" et "SIKIDIM"), CHANSON PLUS BIFLUOREE, BERNARD LAVILLIERS, GINETTE RENO, VAYA CON DIOS, CRAZY HORSE, CLAUDE DUBOIS, MYLENE FARMER...des chansons malgaches..et des morceaux tirés du musical JEKYL AND HIDE ("TAKE ME AS I AM", "ONCE UPON A DREAM", "A NEW LIFE"...). Le mardi et le mercredi, les fichiers MIDI et KAR permettent à des jeunes de se perfectionner par rapport à un répertoire précis. Ils interprètent d'ailleurs plusieurs chansons de suite. Le patron, Diego, leur procure des conseils judicieux et amicaux, réinterprétant aux claviers certains passages, faisant chanter l'interprète dans un ton plus adapté...
La vogue actuelle du karaoké (pas uniquement en Belgique mais aussi en France) doit certainement beaucoup au succès populaire de l'émission animée (dans sa première version) par Arthur, "La fureur". A ce propos, Dominique Legrand, avec un certain accent sarcastique, écrivait fin janvier 1996 :" Arthur materne son xième enfant de la télé, "La fureur du samedi soir", rabibochant en semainier son karaoké gagnant du 31 décembre". Dans le même ordre, Fernand Letist regrette l"hystérie karaoké" des équipes d'Arthur, leur superficialité, mais en soulignant cependant l'allant et la bonne humeur de cette émission qui était un best of de "La fureur du samedi soir". En Belgique, l'émission "Pour la gloire" a médiatisé le fait pour un "amateur" de chanter seul sur scène.
Une remarque : un pays (au moins) n'utilise pas le terme "karaoké" pour désigner ce type de divertissement. Il s'agit de la Corée (marquée par sa guerre contre le Japon). Les Coréens utilisent le terme "norae bang" qui signifie "pièce ou chambre chantante". Ils n'utilisent d'ailleurs pas le matériel japonais, mais des CR-ROM avec du matériel coréen, ce divertissement ayant aussi été popularisé dans ce pays par un show télévisé, "Singing housewives" ("les ménagères chantantes"). De plus, c'est à une "mondialisation du karaoké" que nous assistons maintenant (comme d'autres faits sociaux) par l'intermédiaire d'Internet. Sur le Web peut être capté par exemple un feuilleton intitulé "Karaoke nights". Ce feuilleton est un sitcom Asiatique-Américain mettant en scène toute une famille, les LEES. Ils possèdent un snack avec des spécialités asiatiques et un karaoké bar, le "Okey-Dokey karaoke bar". Le karaoké bar est un lieu de rencontre qui permet le développement de nombreuses historiettes en mettant en évidence les oppositions "romance vs pragmatisme", "tradition vs modernisme", et "argent vs idéalisme". De plus, des centaines de sites consacrés directement ou indirectement au karaoké sont disponibles sur Internet.
Le karaoké est ouvert à toute personne, quelle que soit sa capacité vocale, son parcours criminel ou sa santé mentale. Il semble connaître un nouvel essor pour de multiples raisons : l'influence de Star Academy, l'arrivée de nombreux DVD de karaoké en langue anglaise avec des succès actuels, l'apparition de vedettes reprises en karaoké (Lara Fabian, Britney Spears, Christine Aguilera ...) et, enfin, l'impact des comédies musicales de la fin des années 90 (par exemple Notre Dame de Paris et Les Dix Commandements).
Enfin, le karaoké est une activité qui comporte un certain système de codage (choisir une chanson, remplir un papier, attendre son tour, chanter...) qui ne se résume pas à une simple activité socioculturelle. Par exemple, au Japon, le karaoké permet une certaine communication au sein de la famille par l'intermédiaire de l'animation créée. Le karaoké permet en outre de passer du stade du "loisir passif" (écouter de la musique) au stade de "loisir actif" (interpréter une chanson).
Ainsi, le karaoké est un concept polymorphe, qui peut donc présenter des formes différentes et avoir des impacts sociaux différents (de la simple activité de loisirs à sa dérivation vers des activités moins avouables). Josep Marti, du département de musicologie de l'Université de Barcelone, dans un article intitulé "les Musiques Invisibles: la musique d'ambiance comme objet de réflexion" précise que le karaoké participe à une certaine dépréciation de l'oeuvre culturelle, mais qu'il s'agit d'un mouvement général qui associe les nouvelles technologies de communication et la culture de masse. Il serait, d'après cette remarque, possible de dire que le karaoké devient ce qu'est le milieu ambiant, c'est-à-dire qu'il se modèle sur les pratiques et les comportements d'êtres humains localisés dans différentes parties du monde et confrontés à des situations culturelles, sociales, économiques et politiques différentes.